
Ce n'était qu'une couleur, ou bien la phase terminale d'un bourgeon à la saison printanière.
Tiens, elle se souvenait de ces choses et de ce qu'elles étaient tout à coup, décidément, son amnésie ne cessait de lui jouer des tours, et ces flashs éphémères qui traversaient sa mémoire semblait disparaître plus vite qu'ils ne s'était montrés, comme si il ne fallait absolument pas qu'elle se rappelle, qu'elle se souvienne.
Elle se cognerait bien le crâne contre quelque chose de dur, de solide en cet instant, probablement pour que ses esprits lui reviennent. Mais ses membres étaient comme piégés dans du béton sec, et ses muscles engourdis par un épuisement incompréhensible. Elle venait tout juste de se réveiller pourtant... Non ? Alors pourquoi cette sensation qui tiraillait ses nerfs, accentuaient de violentes courbatures au niveau de ses jambes semblait lui indiquer qu'elle venait de courir un marathon ?
Non sans peine, elle se concentra sur une nouvelle -et scabreuse- tâche, l'ouverture des muscles qui couvraient ses globes oculaires. Ses paupières mirent un temps fou à se lever pleinement après s'être plissées violemment suite au contact d'une lueur blanche aveuglante.
Où était-elle ? Sur quoi ? Dans quoi ?
Sa bouche était sèche, pâteuse, et une amertume dérangeante se manifestait graduellement dans son ½sophage. Elle tenta d'humecter ses lèvres avec sa langue, en vain, même celle-ci était dépourvue d'humidité.
Son gosier desséché semblait l'implorer de le gorger ne serais-ce que d'une cuillère à soupe d'eau, cependant elle ne savait déjà pas où ses pieds prenaient appuis, ni comment elle allait parvenir à les rendre mobiles et assez opérationnels pour pouvoir explorer les lieux, alors sa déshydratation était le cadet de ses soucis.
Depuis combien de temps était-elle ici ? Combien de temps avait-elle passé sans ne rien avaler ?
Comme en réponse à ses questions, elle sentit une douleur lancinante lui brûler l'estomac. Elle était affamée, visiblement.
Elle aurait juré qu'une bête venait de se faufiler à l'intérieur de son ventre pour y dévorer ce qui s'y trouvait... Probablement pas grand chose.
Son regard dériva en direction de cette lueur blanche qui l'avait agressée quelques minutes plus tôt, puis sur une autre forme arrondie, bien qu'aux courbes distinctes. Un rocher.
En un effort qui lui parut surhumain, elle releva son bras, prenant appui sur la masse rocailleuse qui se dressait à ses côtés, puis son autre main vint se poser sur la surface de la rocaille, comme pour aider le premier membre dans le transport de son faible corps.
Elle parvint à se hisser jusqu'au haut du rocher, puis elle se pencha sur ce dernier -les coudes repliés-, entamant une quinte de toux, suffocante.
Avoir bougé n'avait pas arrangé son état, et elle ne semblait pas sur le point de se rétablir, à en juger par le fait qu'un mouvement aussi simple puisse lui donner l'envie de recracher ses poumons.
Son c½ur battait vite sans qu'elle ne sache pourquoi. Il semblait avoir peur, réticent à l'idée de croiser quelque chose de si effrayant qu'il pourrait en arrêter ses contractions régulières, lesquelles étaient devenus incontrôlables et beaucoup trop agitées.
Cependant la jeune femme ne parvenait pas à mettre une image sur ce qui pourrait à ce point la tétaniser, elle ne savait même pas pourquoi son organe vital s'affolait autant dans sa cage thoracique, l'air de rechercher une sortie.
Elle ne se rappelait que d'une chose : "Rose".
Était-ce l'acronyme d'une phrase à laquelle on trouverait un sens ? Où simplement une bribe de de sa mémoire que cette dernière ne semblait pas avoir effacé ?
Ce n'était peut-être qu'une pure coïncidence, après tout, plus elle relisait silencieusement ce mot dans sa tête, plus s'en rappeler semblait dénué de sens. Tout comme cette foutue fatigue qui la dévorait de toute part et ne semblait vouloir repartir sous aucun prétexte.
Ses yeux reportèrent leur attention sur le néon scintillant qui lui réchauffait la joue lorsqu'elle se tenait de profil quelques secondes plus tôt.
Mais l'éclat de la lumière lui transperçait la rétine tant l'habituement était compliqué.
Elle ne distinguait rien derrière cette lueur, elle était beaucoup trop intense pour que l'on puisse voir quoi que ce soit à travers, ce qui contrastait parfaitement avec la noirceur profonde et désagréable qui régnait dans cette sorte de caverne.
Une caverne ? Certainement.
Maintenant qu'elle y songeait, la perspective de se trouver au fond d'une grotte ou d'une caverne lui semblait être la moins louche, compte tenu de l'humidité ainsi que de l'odeur de moisi dans laquelle elle puisait son oxygène.
Sentant que ses pupilles s'adaptaient peu à peu à la luminosité présente dans la cavité rocheuse, la jeune femme se décida à découvrir sur quoi débouchait cette vive lumière.
Ses jambes flageolaient déjà sous sou poids alors qu'elle s'était à peine redressée sur ses pieds, accroupie et les genoux pliés au maximum, puis elle s'élança, pensant qu'une fois qu'elle se serait redressée, le plus dur serait derrière elle.
C'est ce qu'elle fit. Malheureusement il semblait que le plus gros de l'effort soit la suite : le déplacement.
S'agrippant à l'une des parois de la "grotte", elle longeait les roches, parvenant enfin -en titubant-, à atteindre le point de concentration de la lueur blanche qui lui titillait les iris.
Non sans une once d'hésitation, la jeune femme continua le long de ce qui semblait être un simple couloir de roche, qui devait probablement aboutir à une sortie, quelle qu'elle soit.
Et c'est ainsi qu'elle découvrit que l'oubli et la mort apportait parfois bien plus de bonheur dans certaines situations.
En ce qui concernait celle-ci, l'amnésie aurait pu la sauver, si seulement elle n'avait pas fini par découvrir l'origine de ce mot qui s'était engouffré en elle.
"Rose", hein ?
Ca n'était pas un nom, ça n'était pas une fleur. Juste une couleur.
Une couleur qui lui réchauffait le c½ur, et le lacérait en même temps. Une couleur vive et accueillante, sans qui ses repères s'effaçaient.
Il n'y avait qu'une marre de sang vermeille et foncée qui s'étalait au sol, et à peine un mètre plus loin, un précipice dont le fond était bien trop profond pour que l'on puisse l'apercevoir à l'½il nu -Et encore, même avec un télescope, cela aurait pu s'avérer compliqué.
Et à ses pieds -encore souffreteux des gestes précédemment effectués- gisait une tête.
Une tête humaine, dont le corps était introuvable -probablement avait-il déjà fait le grand saut du haut de la falaise.
A la vue horrifiante de ces mèches de cheveux, de ce bout de tissu blanc -maintenant immaculé de sang- aux motifs quadrillés et qui menaçait de quitter la terre ferme pour s'enfoncer dans le ravin, elle laissa la fatigue et la douleur avoir raison d'elle.
La jeune femme retomba sur ses genoux nus qui s'écrasèrent contre des débris de verres et quelques cailloux, mais les plaies qui s'étaient formés sur sa chair n'obstrueraient jamais le vide intersidéral qu'elle ressentait en cet instant.
Son amnésie s'effaça, et les sanglots la remplacèrent.
Elle hoquetait, les joues rougies par les larmes, tout en regardant, impuissante, le visage décapité et orné de sang qui était disposé sous ses yeux.
D'une main fébrile, elle vint clôturer les paupières du jeune homme, frôlant de son épiderme la surface blafarde en putréfaction du visage de son ami.
L'oubli est une grâce, c'est le seul charme que l'on pourrait trouver aux événements passés.
Mais la mémoire aura eu raison de cette pauvre jeune femme, qui caressait névrotiquement, le regard vide et vitreux, les douces mèches rosées du garçon qu'elle avait oublié, puis retrouvé, puis perdu.

Oui, je sais... Un ficlet ne doit pas dépasser les 1 000 mots, alors que celui-ci en fait à peu près 1 400.
Mais bon, disons que c'est un "gros" Ficlet, étant donné que mon encombrante passion pour la description m'a rattrapée... Enfin bon, j'espère que ce petit écrit vous aura plu tout de même, qu'on ressent assez "l'horreur" de la chose. D'ailleurs, vous avez deviné de qui il s'agit ?
En tout cas, merci d'avoir prit la peine de le lire, et un Joyeux Halloween à vous !
Hera, Posté le jeudi 24 décembre 2015 08:38
Je dirais pas que c'est "Halloweeneux" (mot qui fait partit de mon dictionnaire personnel).
C'est extrêmement bien écrit, bien décrit, et riche en vocabulaire ! J'aime ton style d'écriture, vraiment. On a bien deviné que c'est Natsu, cependant la description de Lucy n'est pas faite, il fallait la devinée par ses souvenirs. J'aime contexte, la description ne manque de rien, au contraire ! J'aime énormément ton ... gros ficlet, comme dit. c: